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Train-train.
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25 avril 2005

Mon trésor.

Finalement je suis courageux. Ce que je peux être courageux! Minable moi! Depuis que j'ai ramené son porte-feuille à la gendarmerie, je me poste plus près d'elle chaque matin.  Je me dis que c'est elle qui finira par faire ce pas qui me semble maintenant bien trop grand. Je me fais "visuel", de grands gestes, des sourires, des réponses bruyantes au téléphone. Rien n'y fait.

Ce matin là, il y a un bon mois et demi, elle a laissé derrière sa veste de cuir qu'elle venait de soulever un porte-feuille brun, gonflé de secrets, posé sur le siège beige du train. Comme un appel. Comme si elle me disait "je t'ai vu depuis longtemps, mais je ne peux venir vers toi, prends cette solution".  Une porte ouverte vers elle. Deux solutions se sont très vite présentées à moi, alors que je n'avais jamais même imaginé une telle chance. Très vite, j'ai fait les quelques pas qui me séparaient du siège en question. Ne surtout pas laisser ce trésor à quelqu'un d'autre. Puis il a fallu choisir vite: la rattraper avec ce prétexte saisissant qui faisait de moi en plus l'âme charitable OU garder pour moi ce petit rectangle ventru qui me donnerait tout d'elle. Oui, je l'ai gardé. Trop vite le train est reparti. Je l'ai vu s'éloigner sur le quai, elle enfilait sa veste, enfonçait ses mains dans ses poches à la recherche d'une cigarette (je rêve du goût du tabac sur ses lèvres).

Je me retrouvais assis sur cette banquette, avec dans mes mains cet objet brûlant. Je ne l'ai pas ouvert. Je l'ai glissé dans la poche intérieure de ma veste. Une journée complête de cours m'attendait. Je ne l'ai pas ouvert. Il était contre moi, je sentais son poids contre ma poitrine, son poids de révélations. A midi, seul en salle des profs, j'ai ouvert le mien. J'ai regardé toutes les informations qu'il contenait. J'ai frémi de plaisir. J'ai repris le train le soir même. Bien sur elle était là. Toujours inconnue.  Je l'ai observée encore, avec en moi une joie bien plus forte encore que les autres fois. Je suis rentré chez moi . Je n'ai jamais encore poussé le vice jusqu'à la suivre jusque chez elle le soir, mais ce soir là, je me sentais l'âme d'un psychopathe. En moi bouillonnait une sorte de rage qui avait gonflé toute la journée durant. J'ai fermé derrière moi la porte et j'ai posé le "précieux" sur la table du salon. Je me suis assis dans mon fauteuil préferé et je l'ai regardé. Longtemps. Puis j'ai soufflé, je me suis levé, je suis allé prendre une douche chaude. Je me disais "relativise, relativise, c'est juste un porte-feuille".

Puis je l'ai pris en main, je l'ai posé sur ma joue, je l'ai senti et je l'ai ouvert.

Il y avait à l'intérieur, tout un tas de petits poches, des recoins, de tirettes. J'ai soigneusement observé pour me rendre compte, avant de sortir quoi que ce soit, que l'objet contenait énormément de petits détails mais qui ne semblaient en rien classé. J'ai commencé par une petite tirette sur l'avant qui contenait quelques pièces de monnaie, un billet de cinq euros plié en quatre, un tout petit caillou très plat et rond, une pièce d'un franc. Dans la pliure, sur la gauche, quelques tickets de caisse, au dos de l'un d'eux, le numéro d'un certain Mathieu, une liste de courses, de choses à faire (Poste, facture EDF, lettre CAF, au milieu de la liste, le mot RESPIRER, en grand, écriture énervée), une photo d'identité, une jeune fille blonde au visage poupin, rond. Dans la pliure de droite, une lettre, que j'ai dépliée soigneusement, écriture fine et masculine, signée d'un Pablo, datée de 1998, amoureusement. Je ne l'ai lu que plus tard. Sur une feuille blanche mais  un peu jaunie, les paroles d'une chanson, visiblement, ou d'un poème que je ne connaissais pas, d'une écriture ronde, régulière et fluide, la même que la liste de courses, la sienne,sans doute. Puis, c'est sur son permi de conduire que je découvre son prénom. Tia. Trois lettres. Et j'y vois des fleurs rouges, humides et sensuelles. Un nom de famille très simple aussi. Elle a bientôt vingt six ans. Je lui donnais plus, mais moins en même temps. Elle vit à quelques kilomètres au sud. Je trouve aussi sa carte électorale, sa carte d'identité, de donneuse d'organes, de bibliothèque, carte bancaire, carte CAf, carte de piscine, carte de photocopies, carte de fidelité dans un magasin de jouets, chez un coiffeur, carte de groupe sanguin (B-), un petit carton sur lequel figure écrit en tout petit un numéro, sans doute sécu. Quelques petits billets, avec son écriture, coordonnées, adresses internet, numéros de téléphone. Dans une petite poche sur le côté, je découvre des photos. Une photos carrée, ancienne, une femme au tein mate qui tient un poupon. Puis plein de petites photos: elle, avec des cheveux courts, sans doute quelques année de moins, elle avec un jeune homme blond, visage carré, le même jeune homme sur deux autres photos, certaines noir et blanc, d'autres vives, mauvais contraste... Puis quelques détails,surprenants. Dans la pliure, au fond, un ruban jaune bouton d'or, enroulé.  Une image découpée dans un livre pour enfant, une petite fille qui observe un hérisson. Une mèche de cheveux sous un film plastique. Un anneau métallique. Aussi une feuille d'arbre, jaune, sèchée, un petit bracelet de marguerite sèche

J'ai observé. Fait des déductions. Réfléchi. Devant moi, tant de réponses à des questions que je pensais pour longtemps sans réponses.

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Commentaires
A
On dirait un roman...captivant!
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